L’UE a ainsi commencé à s’intéresser davantage aux standards de production des produits importés, comme en témoigne l’adoption du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, d’un règlement visant à lutter contre déforestation importée ou encore d’une autre législation visant à interdire l’importation d’aliments contenant des résidus de deux néonicotinoïdes interdits dans l’Union européenne.

D’autres mesures sont en cours de discussion dans différents secteurs économiques mais les progrès sont lents car il faut souvent attendre plusieurs années pour qu’elles entrent en application. Pourtant, certaines divergences réglementaires doivent être comblées de toute urgence pour protéger notre santé et l’environnement.

Et à l’avenir, la prise en compte des modes de production des biens et services importés devraient systématiquement devenir la norme de chaque grand texte européen de mise en œuvre du Green Deal.

Le pacte vert européen annoncé en 2019 et décliné ensuite dans plusieurs stratégies sectorielles dont l’agriculture, prévoit plusieurs objectifs globaux : 

  • La réduction de 55% des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ;

  • La réduction de l’usage et des risques associés aux pesticides chimiques de 50% à horizon 2030 ;

  • La révision des normes de bien-être animal pour les animaux d’élevage de l’Union Européenne.

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Mesure Miroir & Clause miroir :
qu'est-ce-que c'est ?

Inscrite dans une réglementation européenne, une mesure miroir vise à faire appliquer une norme de production imposée aux producteurs européens à tous les producteurs du monde qui souhaitent exporter leurs marchandises vers l'Union européenne. C'est le cas, par exemple, de l'interdiction d'utiliser des hormones de croissance dans l'alimentation des animaux d'élevage.

Une clause miroir désigne une condition à laquelle l'Union européenne accorde un accès privilégié à son marché à certains pays du monde à travers un accord de libre-échange. Elle permet de conditionner l'octroi de "préférences commerciales", c'est-à-dire d'un abaissement de droits de douane, au respect d'une ou plusieurs normes de durabilité."

Exemples de premières clauses miroirs

  • Dans le cadre de l’Accord UE-Mercosur conclu en 2019, une condition de respect des normes pertinentes de l’UE en matière de bien-être animal pour les poules pondeuses a été posée en contrepartie de la libéralisation tarifaire pour les œufs en coquille. Pourtant, les volumes échangés sur ces produits devraient rester assez négligeables. A l’inverse, aucune clause miroir n’a été intégrée à l’accord concernant les autres produits que l’UE pourrait importer en grandes quantités et sans droits de douane, par exemple la (viande bovine, volaille, ou le maïs).

  • Dans l’accord UE/Nouvelle-Zélande, un critère de durabilité excluant les bovins élevés en parcs d'engraissement (feedlots) a été posé pour le quota de viande bovine. Toutefois cette clause  n’est pas pertinente dans le contexte néo-zélandais, puisqu’il n’existe pas de parcs d’engraissement dans le pays. A l’inverse, cette clause miroir n’a pas été intégrée aux accords commerciaux conclus ou négociés avec des pays dont les bovins sont effectivement élevés en “feedlots” et notamment le Brésil, les Etats-Unis, le Canada,  l’Australie ou encore le Mexique.

    Nos thématiques :

    Pesticides

    Alors qu’il est interdit de traiter dans l’UE des cultures avec des substances non approuvées ou interdites par la réglementation européenne (en raison de leurs effets sur la santé humaine et animale, sur l’environnement et la biodiversité), les cultures produites hors de l’UE peuvent avoir été traitées avec ces substances à la seule condition que les denrées importées dans l’UE respectent des limites maximales de résidus. 

    En février 2023, la Commission européenne a adopté une mesure miroir sur les pesticides dans le but de protéger la biodiversité et les pollinisateurs. Le règlement de la Commission Européenne interdit l’importation de produits contenant des traces de deux néonicotinoïdes, qui ne sont plus approuvés en UE depuis 2019, le thiaméthoxame et la clothianidine. En pratique, si ces molécules sont détectées dans un produit, ce dernier ne pourra pas accéder au marché européen. Cette mesure miroir devrait s’appliquer au plus tôt à partir de mars 2026. 

    Cette mesure va dans le bon sens mais la Commission Européenne doit maintenant mettre un coup d’accélérateur : des mesures miroirs doivent être mises en place sur tous les pesticides interdits afin de protéger la santé humaine et l’environnement, avec un programme de travail, des engagements et un calendrier précis. Il faudrait cibler prioritairement les 64 substances interdites ou non autorisées dans l’UE pour lesquelles il existait début 2023 des limites maximales de résidus supérieures au seuil de détection pour les produits importés.

    Viande aux hormones et aux antibiotiques

    L’utilisation d’hormones de croissance dans le secteur de l’élevage est interdite en UE depuis 1981. Et depuis 1996, cette interdiction s’applique également aux importations en provenance d’élevages utilisant des hormones de croissance. 

    Depuis 2006, c’est l’utilisation d’antibiotiques comme promoteurs de croissance qui est interdite sur le territoire européen. Et de nouvelles restrictions sur l’utilisation de médicaments vétérinaires s’appliquent depuis 2022. En particulier, l’utilisation de ces médicaments chez les animaux dans le but de favoriser leur croissance ou d’augmenter leur rendement est prohibée. Cette interdiction est censée s’appliquer aussi aux animaux et produits d’origine animale importés en UE. Mais cette mesure miroir n’est pour le moment que théorique, faute de texte réglementaire précisant ses conditions concrètes d’application.

    Bien-être animal

    Les règles européennes relatives au bien-être animal au moment de l’abattage s’appliquent aux produits importés. Ainsi, pour être importés en UE, les viandes et les produits issus d’animaux abattus doivent notamment être accompagnés d’un certificat sanitaire et d’une attestation certifiant le respect de prescriptions en matière d’hygiène alimentaire et d’étourdissement au moins équivalentes à celles de l’UE.

    Au-delà de cette mesure miroir sur l’abattage, il y a encore beaucoup à faire en matière de bien-être animal en ce qui concerne par exemple l’interdiction de l’élevage en cage et de certaines mutilations infligées aux animaux, l’interdiction du broyage des poussins mâles, l’augmentation de l’espace disponible et la limitation des temps de transport. Il est urgent que la Commission Européenne adopte des règles ambitieuses en matière de bien-être animal incluant des mesures miroirs. Un paquet de mesures devait être annoncé à l’automne 2023 mais il pourrait être reporté à une date ultérieure.

    Farines animales

    L’UE a adopté une réglementation stricte sur l’alimentation des ruminants pour contribuer à l’éradication de la maladie dite de la “vache folle” et de sa possible transmission à l’homme, sous la forme de la maladie de Creutzfeld-Jacob.  Un réglement européen de 2001 interdit toutes les protéines et phosphates bi/tricalciques d’origine animale dans l’alimentation des ruminants. 

    Mais pour ce qui concerne les produits importés, cette interdiction ne s’applique qu’aux produits d’origine animale de bovins provenant de pays dits “à risque déterminé”. Pour les autres pays (qui comprennent plusieurs des partenaires commerciaux de l’UE comme l’Argentine, le Brésil, le Canada et les Etats-Unis), le certificat sanitaire nécessaire à l’importation de viandes bovines en UE n’a pas à mentionner l’obligation de non-alimentation avec des farines animales. Or, les réglementations de ces pays sont beaucoup plus permissives que la réglementation UE.

    Déforestation importée

    La consommation de l’UE a pesé plus d’un tiers de la déforestation liée au commerce mondial entre 1990-2008. Pour apporter une réponse à ce problème, l’UE a adopté en 2023 un règlement sur la déforestation importée. Avec ce nouveau règlement, certains produits (le bois, l'huile de palme, le soja, le café, le cacao, le caoutchouc et le bœuf, ainsi que les produits dérivés de ces matières premières comme les peaux, le cuir, le charbon de bois, le papier et le papier imprimé) ne pourront être mis sur le marché que s’ils respectent plusieurs conditions. Pour mettre sur le marché de l’UE ou exporter depuis le marché de l’UE les produits, les opérateurs devront s’assurer que leur production n’a pas généré de déforestation ou de dégradation des forêts après le 31 décembre 2020. Ils devront collecter plusieurs informations, par exemple, pour les produits contenant ou fabriqués à partir de bovins les coordonnées géographiques de tous tous les établissements où les bovins ont été élevés.

    Ce règlement constitue une avancée majeure. Si sa robustesse reste à éprouver dans sa mise en œuvre concrète, plusieurs limites ont déjà été identifiées. Certains produits clés comme le maïs ou le biodiesel ne sont pas couverts. Et le texte ne protège pas non plus les autres terres boisées, au-delà des forêts, alors même que près de 60% des importations européennes à risque de déforestation concernent le soja, principalement cultivé dans les savanes comme le Cerrado.